Entretien avec Abdelhamid Si Larbi

Abdelhamid Si Larbi est un architecte singulier qui s’est forgé une idée particulière sur l’architecture de manière générale, le profil de l’architecte et l’exercice de l’architecture en particulier.
Nous l’avons invité à dévoiler sa perception du monde de l’architecture à travers l’entretien qui nous a donné.

 

 

1/MADINATI : Comment se définit Abdelhamid SI LARBI ?

Définir c’est appauvrir, je suis un être en quête de vérité et de savoir. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai senti (comme tout jeune diplômé) que j’avais besoin d’aller voir ailleurs et que le savoir se trouvait de l’autre coté de la méditerranée. Après un tour dans une université française et une autre canadienne, j’ai compris que la formation est une question d’être. On ne devient que ce que l’on est, et que pour être architecte, il me fallait me former tout seul par la lecture en premier lieu, par l’action et la pratique en second lieu. Je me positionne comme un artisan, architecte artisan.

2/MADINATI : C’est quoi l’architecture pour toi ?

J’adhère à la définition suivante : que l’architecture c’est la volonté d’organiser l’espace afin de répondre à un besoin d’usage. La principale expression de cette volonté est la structure, qui elle-même découle de la nature des matériaux et de leurs mise en œuvre.

3/MADINATI : Et les matériaux ?

Il n’y a pas d’architecture sans matériaux, et il n’y a pas de mauvais matériaux. Il n’y a que leur mauvaise utilisation. Il faut toujours travailler avec les matériaux et non contre eux. Je veux dire par là qu’il faut leur faire faire ce qu’ils peuvent faire et leur faire dire ce qu’ils veulent dire. En d’autres termes, révéler leur nature propre et exalter leurs qualités intrinsèques.

4/MADINATI : Donc, tu ne dissocies pas ESPACE/ARCHITECTURE et Système constructif ?

Comme défini plus haut, la structure est l’expression principale de la volonté d’organisation de l’espace. L’architecture c’est cet espace organisé et ordonné pour répondre à notre besoin de vivre, de travailler et de nous reposer. Il y a ici une relation dialectique entre la structure et l’espace.

5/MADINATI : Quels sont tes matériaux privilégiés et pourquoi ?

Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas de mauvais matériaux, mais je dois reconnaître que j’ai un penchant pour les matériaux naturels, les moins transformés par l’industrie, des matériaux respectueux de la nature de l’homme et du vivant (pierre, bois, chaux etc…).

6/MADINATI : Es-tu fier de tes réalisations dans leur ensemble ou seulement de quelques unes ?

Ce que je fais n’a rien de nouveau. Je réutilise et réinterprète des principes et techniques légués par l’expérience humaine à travers l’histoire. Les principes universels appliqués à une réalité particulière donnent l’impression que la solution est nouvelle alors qu’elle est nouvelle en apparence, dans la forme, mais elle ne l’est pas dans le fond.

7/MADINATI : Que penses-tu de l’enseignement de l’architecture

Il n’y a pas d’enseignement réel de l’architecture dans la forme actuelle de l’enseignement universitaire LMD ou classique. L’architecture se transmet de maître à disciple, à la manière de mâalem, métâalem et sanâe, ou comme les compagnons du devoir en France. Ce qui est sûr la forme académique actuelle n’est pas vraiment adaptée à la réelle transmission du savoir et du savoir faire.

8/MADINATI : Quels sont les architectes qui t’ont marqué ? Comment ?

Pour ne citer que les plus importants :
F. L. Wright, Hassan Fethy, Fernand Pouillon, Bruce Goff, John Lautner et Glenn Murcutt.

Un des points communs chez ces architectes, c’est qu’ils ne séparent pas entre l’ordre de la structure et l’ordre de l’architecture. Ils m’ont apporté le sens du matériau et des structures. La liberté de l’expérimentation chez Bruce Alonzo Goff, la découverte de l’espace infini chez John Lautner, la sagesse de l’architecture vernaculaire chez Hassan Fathy, l’utilisation de matériaux ordinaires pour faire des choses extraordinaires chez Glenn Murcutt, et chez Fernand Pouillon, son art et sa manière de réinterpréter l’architecture vernaculaire méditerranéenne. Et L’homme (le maître) qui synthétise tout cela c’est Franck Lloyd Wright.

9/MADINATI : Quelles sont tes lectures de référence ?

A mon point de vue, les lectures incontournables pour la formation de l’architecte sont : Eugène Viollet-le-Duc : « entretiens sur l’architecture », Auguste Choisy : « Histoire de l’architecture », F. L. Wright : « Autobiographie et Testament ». Maintenant mes livres de chevet pour le retrouvé humain : Francis Cousin : « Critique de la société de l’indistinction », « L’être contre l’avoir », « Commentaires sur l’extrême radicalité des temps derniers ».