Fernand Pouillon ou le serment d’Hippocrate de l’architecte

par Leo FABRIZIO[1]
Photographe

À l’origine des grandes causes humaines, il y a de grands traumatismes. Pour Henry Dunant, fondateur de la Croix‑Rouge et à l’origine de la première convention de Genève, ce fut en 1859 les milliers de blessés abandonnés à leur sort sur le champ de bataille de Solférino en Italie. Émergea alors une idée qui nous semble aujourd’hui presque simple : assurer par convention la protection et la neutralité du corps soignant pour s’occuper du soldat tombé, quel que soit son camp.
Chez le jeune architecte de vingt-deux ans qui construit son premier bâtiment en 1934 à Aix-en-Provence, rien ne laisse présager une œuvre autre que les ouvrages qualitatifs mais raisonnables, qu’il est en train de bâtir dans la région. Pourtant l’impact de la seconde guerre mondiale, l’expérience de l’architecture de l’urgence, avec le camp du Grand Arénas, ou de l’accueil, avec la station sanitaire de Marseille, présideront à cette vocation pour une architecture qu’il nomme « sociale ». Un sentiment renforcé lorsqu’après-guerre, un million de familles se retrouvent sans abri, ou dans des conditions de vies indignes.
Sa pratique se veut comme un engagement, qui n’aura de cesse, et ce tout au long de sa carrière, de se vouer à une architecture qui participe de la vie des êtres humains dont elle croise l’existence. Une architecture, politique dans le sens de celle d’Aristote, qui participe de la cité, qui propose une vision, qui bâtit le bien vivre de la communauté, qui prend part à l’élaboration d’une société, et, in fine, à la civilisation à laquelle nous aspirons.