Parution du numéro 03

QUEL ENSEIGNEMENT POUR QUELLE ARCHITECTURE ?

Le simple énoncé de cette problématique renseigne sur l’ampleur du malaise qui caractérise une discipline en quête de reconnaissance. L’incursion proposée dans ce champ, à la faveur du N° 03 de MADINATI, ne prétend pas répondre à l’interrogation de départ, ni appréhender de manière exhaustive la question épineuse de l’enseignement de l’architecture mais propose plutôt un croisement d’idées, sur la question, d’éminents chercheurs et d’expériences d’enseignants et d’architectes déclinées dans cette édition. Edition que nous bouclons sans insérer l’ensemble des contributions reçues, faute d’espace. La qualité et la pertinence de textes, non intégrés ici, nous oblige à prévoir un autre numéro sur le même thème afin de dévoiler d’autres approches, aussi intéressantes, sur la question.
En effet, les contributions présentées successivement se partagent entre la critique documentée des méthodes d’enseignements où différentes expressions et points de vue donnent une « construction » très éclatée de l’objet architectural (ou objet de l’architecture) prenant corps dans les écoles et départements d’architecture ; et l’exploration de certaines orientations et idéologies qui s’affrontent sur les méthodes pédagogiques performantes devant permettre la formation de l’architecte.

Entre la conception qui focalise sur l’apprentissage actif du projet (M. AICHE) et l’approche « vitaliste » de L. MERHOUM qui valorise la pratique directe du métier et la traversée des chemins escarpés de l’expérience du terrain, il y a aussi les contributions qui attirent notre attention sur telle ou telle dimension spécifique de « l’aventure » de production de l’espace (H. RAYMOND) : le socioculturel pour D.PINSON et J.P FREY, l’ « Urban Design » pour F.KETTAF et S.GAID, les interactions internes pour Roubai (Le Maître et le disciple) ou externes, avec le milieu environnant pour promouvoir un enseignement collaboratif (T. BENMOHAMED). La nécessité d’intégrer la dimension patrimoniale (D.CHANCEL) et paysagère(S.SLAMA) complète ce premier tour d’horizon.
En déroulant cette fresque, le lecteur non averti ne pourra manquer d’être impressionné par la complexité et la profondeur d’une discipline architecturale que le profane considère connaître parfaitement car ayant toujours été au contact de ses produits (monuments, immeubles, équipements, etc.). Cette première intrusion, en attendant d’autres, dans un domaine où s’emboitent savoirs, savoir-faire et représentations, permet déjà de sortir des premières impressions et des fausses évidences. L’un des obstacles épistémologiques contre lequel, d’ailleurs, les spécialistes nous invitent à réagir est celui de la confusion entre architecture et construction (soit : l’espace vrai de Phillipe BOUDON).

Se présentant sous un autre registre, moins réflexif, les contributions hors dossier nous convient à un rapport sensible avec l’architecture et la ville. Dans cette posture, ce n’est plus le spécialiste qui assure « l’ordonnancement » des configurations spatio-symboliques (« espace architectural » selon Henri RAYMOND qui vient de nous quitter et à qui nous rendons hommage dans ce numéro de Madinati) mais le rapport sensible instauré entre l’observateur et la ville réelle telle qu’elle se donne à voir.

Dans cette perspective, F. HIRÈCHE nous fait visiter, avec son souci du détail, « El –Djezaïr, une ville dans un jardin ». S’appuyant sur les explorateurs des siècles passés, l’auteur décrit toute la richesse et la diversité des jardins, arbres et fleurs qui faisaient la beauté de ce lieu où l’art urbain avait un sens. Avec M. BELKHOUS, la littérature nous convie au même ravissement à partir du roman de MaÏssa Bey « Bleu Blanc vert ». Parcourant Alger, en tous sens, la romancière livre ses impressions et émotions, face à des formes architecturales, des rues et dédales, des jardins et des monuments. Ces témoins du temps d’avant ne peuvent manquer de faire jaillir les effluves de la mémoire de celle qui a pris Alger, depuis l’enfance, comme « espace de déambulation » !
D’autres articles, notamment des comptes-rendus d’évènements importants dans le domaine de la ville, complètent la matière de ce numéro de Madinati. C’est le cas de la deuxième rencontre des Cafés du SYNAA d’Alger qui ont porté cette fois-ci sur la question de l’habitat en Algérie.

Par Djillali Tahraoui