DU BON USAGE DES SCIENCES DE L’HOMME EN ARCHITECTURE…

par Daniel PINSON1
Professeur Emérite
Université D’AIX-MARSEILLE

Resumé

On s’efforcera tout d’abord de repérer les chemins tantôt séparés, tantôt réunis, des architectes et des socioanthropologues, qui, depuis le début du XXe siècle, en s’intéressant à la diversité des milieux humains et non plus seulement à la dimension universelle de l’homme, ont ouvert la voie à une architecture plus attentive aux cultures et à ses empreintes sur l’habiter. Un moment crucial de ce débat se situe, en architecture, dans les années 1970 lorsque l’architecture moderne, dite aussi « internationale », qui est en réalité celle d’une hégémonie à bout de souffle, est interpelée dans ses propres rangs, plus ou moins soudés par Le Corbusier, par une opposition faisant explicitement référence aux apports de l’anthropologie. Il en est résulté un vaste mouvement d’intérêt qui a promu une connaissance plus approfondie des sociétés dans les milieux architecturaux, en particulier dans les écoles d’architecture. Cet intérêt, cependant fragile, a rempli l’impensé qui occupait jusque là la question de l’utilitas, alors qu’au cours de son histoire, l’architecture avait su sans cesse mieux définir ou ajuster, à l’évolution des sociétés humaines, les catégories de la venustas et de la firmitas de Vitruve. A côté des recherches qui ont contribué à identifier, au niveau des formes
architecturales, les dispositifs marquant la cristallisation des modes d’habiter, s’en est également développée une autre qui s’est intéressé aux procès qui permettent ou non à ces dispositifs d’advenir. A la lumière et à la discussion des tâtonnements qui ont marqué les entreprises de formation et les essais d’application dans le projet des apports de la socioanthropologie à l’architecture et à l’urbanisme, on aboutira à la conclusion que, au lieu d’une application immédiate et mécanique de ce que dit la socio-anthropologie, c’est une forte ouverture à la compréhension de ces procès dont a besoin l’architecture pour penser ses propres artefacts.


1: Daniel Pinson, Professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille, est Architecte DPLG (ENSBA-Paris, 1970) et Docteur ès Lettres et Sciences humaines (Paris X, 1990). Enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes (1974-1994), puis à l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement régional à l’Université d’Aix-Marseille (1994-2014), il a travaillé sur la question de l’usage dans les théories architecturales et mené des études empiriques sur l’habitat et les banlieues en France et au Maroc.