HOMMAGE À HAMID OUGOUADFEL

Par Abdelkrim BITAM
Enseignant chercheur, EPAU Alger.

 

Monsieur Hamid OUGOUADFEL est le genre de personne qu’on ne rencontre qu’une fois dans sa vie.

Un personnage unique pour son caractère conciliant et réconciliant, un enseignant hors-pair pour sa patience et son avant-gardisme, un collègue-professeur auprès duquel l’apprentissage est continuel. L’enseignement prodigué pendant une quarantaine d’années traite, entre autres, de la réconciliation ville/architecture .
Entamée déjà dans les années 80 à travers une synthèse illustrée par un film qu’il a produit sur Alger où il aborde la critique des grands ensembles et de la ville dite moderne caractérisée par sa mono fonctionnalité et une dislocation de l’organisme urbain (ce que nous continuons de reproduire de nos jours).
Tous les territoires urbains produits en Algérie depuis l’avènement de la ville moderne et l’atomisation fonctionnelle et morphologique du système urbain depuis la colonisation française à nos jours, ne présentent jamais de lieu d’architecture offrant des conditions de création architecturale. Nous produisons, au mieux, des architectures-objets.

Cette problématique est d’autant plus pertinente quand il s’agit de définir les échelles des projets. En effet, les référents réglementaires que représentent les instruments d’urbanisme ne disposent pas de fondements théoriques et par là même, pas de critères pour la délimitation des POS (Plan d’Occupation des Sols) supposés produire les conditions et échelles de création architecturale.
L’approche purement réglementaire et juridique de ces instruments a des conséquences sur les échelles des projets qui s’y insèrent; ces derniers deviennent aléatoires. Aussi aléatoires que les principes de définition des POS eux-mêmes.

L’évolution de cette pensée : Ordre Arithmétique / Ordre géométrique :

L’ordre arithmétique imposé par la ville fonctionnaliste produisant une juxtaposition de cités “numériques”, il faudra renouer avec l’ordre géométrique de la ville dans laquelle le 1+1 serait égal à Un tout, une globalité suggérée par l’approche structuraliste.

L’hypothèse défendue par Hamid OUGOUADFEL est qu’il n’y a pas de hasard dans la formation et la transformation
de la réalité bâtie, Il existe des lois régissant les différents états et étapes de la croissance de la ville. Un ordre qui définit une logique des territoires, hypothèse selon laquelle tout territoire anthropique génère une croissance intelligible dont les fragments constituent des unités ou modules discernables et identifiables.
Cette identification est le résultat d’une lecture particulière liée à la réalité bâtie telle que définie par G. CANNIGIA : « la réalité bâtie, comme partie de celui-ci, qu’elle soit “spontanée” ou “planifiée” … est structurée de façon continue, elle ne naît pas et ne se modifie pas par hasard, mais elle résulte d’une évolution constante gouvernée par un système unitaire de lois de formation et de transformation qui constitue ce que nous appelons le processus typologique du milieu »

Les enseignements de Monsieur Hamid OUGOUADFEL sont basés sur ce préalable que représente la connaissance de l’histoire et du processus de la formation de la ville, de ses mécanismes de croissance et de ses lois. Ce processus ainsi défini se caractérise par un système de modularités, de fragments composant les différentes échelles
de lecture diachronique marquant chaque phase de l’évolution : «…une caractéristique intrinsèque à chaque phase d’un tel processus est la présence d’un système de modularités progressives entre chacun des termes d’échelle, de l’aménagement intérieur au territoire ». Ces modules sont à la base de la loi des redoublements et entretiennent
un rapport déterminant dans la structuration du territoire.
Les modularités sont issues des phases successives dans la formation de la ville. Leur existence est illustrée par la présence constante des legs de chaque stade de développement qui « accompagne la conscience de l’existence de modularités complexes systématiques, qui investissent les échelles possibles du milieu anthropique ».

Ville et Architecture

Ce volet de l’approche typo-morphologique développée par S. MURATORI est un aspect peu investi dans les recherches et l’enseignement. Il concerne plus la prospective, la ville dans sa dynamique de croissance que celle historique harmonieuse qui a la préoccupation de la détermination du type et la reconstitution, la reconstruction ou la rénovation.
La ville est L’avenir de l’architecture, disait M. OUGOUADFEL. Nos capacités à se recréer cette conscience collective, de réapprendre non pas simplement à produire l’espace public fédérateur des actions individuelles et singulières mais surtout à l’identifier et le qualifier selon ses échelles d’appartenance. Ces dernières sont tributaires de la connaissance des lois et mécanismes de croissance de la ville, de son identité propre, de sa géographie, de sa
topographie et de son histoire.