HABITER, oui, mais comment ?

par Djillali TAHRAOUI
Architecte
d.tahraoui@madinati-dz.com

Logement, habitation, habitat, habiter : autant de désignations, souvent galvaudées ici et là, pour exprimer la volonté d’exister quelque part à l’abri du milieu extérieur sans perdre le lien avec celui-ci. La prise en charge de cette aspiration se manifeste de manières diverses que ce soit sur le plan individuel ou, plus largement, sur le plan social et collectif, comme l’illustrent les différentes formules d’accès au logement proposées par les différents gouvernements successifs en Algérie : RHP, habitat rural aidé, système clos et couvert, Social, LSP, LPP, LPA, Promotion libre …L’objectif assigné à ce N° 05 de MADINATI ne réside pas dans l’étude critique de la politique du logement menée jusque là en Algérie, bien que ce sujet soit pertinent et opportun, mais focalise le regard sur quelques facettes de la production architecturale dans le grand domaine de l’habitat , en s’appropriant l’affirmation de Viollet Le Duc : « ce n’est pas par l’examen des objets de luxe qu’on peut juger une époque, mais au contraire par l’étude des produit les
plus usuels »

A cet effet, grâce au dossier coordonné par le Professeur M.MADANI, nous pouvons « revisiter ce terreau de tous les possibles», en croisant les contributions de plusieurs spécialistes des questions liées à l’habitat. Le Professeur D.HADJIDJ s’intéresse à partir de l’intérieur aux « interactions entre les usagers et leurs espaces de vie » et nous
livre ici quelques résultats de deux projets de recherche riches en enseignements sur les logiques d’habiter aujourd’hui à Oran.
Proche de cette problématique, N.Hadj Mohamed scrute « le décalage entre projection architecturale et réappropriation de l’espace interne » à travers l’étude très documentée des formes de centralité et leur réinterprétation actuelle dans les habitations individuelles et collectives dans la ville de Béchar. Elle montre le compromis et le renouvellement issus de cette négociation entre la lame de fond historique qui traverse les villes du sud algérien et les formes d’adaptation et de création en rapport avec la modernisation en cours des formes d’habitat.
Avec l’apport de S.Zenboudji Zahaf, nous abordons une nouvelle problématique et un autre terrain : un immeuble barre sur pilotis et son environnement immédiat. Édifié dans le quartier « Champ de manœuvres » à Alger, au cours des années 1950, cet ensemble connaît, depuis les années 1970, des transformations importantes dont L’auteure se propose de répertorier et d’analyser les logiques et le sens. Quant à H. SOUISSI BEN HAMMAD, elle nous guide dans l’hyper centre de Tunis où elle scrute l’état actuel et le devenir de l’habitat du XIXème et XXème dans le contexte tunisien.

L’auteure focalise son analyse sur un exemple d’immeuble de rapport à Tunis tout en intégrant la dimension patrimoniale. Quant au Professeur A. BEKKOUCHE, spécialiste des espaces verts urbains, elle nous invite à explorer un autre paradigme, celui de l’écologie urbaine, à travers l’étude de la végétalisation des cités d’habitat collectif à Oran et les relations d’acteurs qui impulsent cette dynamique.

Avant d’aborder les contributions hors dossier, nous avons jugé qu’il était nécessaire et même essentiel de consacrer un espace d’hommage et de témoignage à la mémoire de André RAVEREAU, le grand maitre que nous venons de perdre (1919-2017). Dans ce cadre, nous nous félicitons de l’aimable contribution de sa fille Maya RAVEREAU, architecte de son état, qui nous a introduit à une meilleure connaissance de cet amoureux du Sud algérien. De son côté, N.ROUBAI CHORFI nous gratifie d’un hommage très personnalisé qui pourrait être partagé par toute une génération d’architectes.

En hors dossier, la contribution de S. HAMMACHE aborde une question importante qui éclaire les articles du dossier : il s’agit, rien de moins, que de la généralisation des pratiques hors normes qui affectent les constructions à travers le territoire national.
Par ailleurs, et dans le registre touchant le patrimoine, l’équipe de MADINATI intéressée par les travaux de restauration de notre Dame de Santa Cruz s’est rendue sur place pour réaliser un entretien fructueux avec son maitre d’œuvre, l’architecte Xavier DAVID, qui nous a présenté in situ, sa méthodologie d’intervention.
Dans la rubrique « ville et littérature », F .GOURMALA nous replonge dans le chef d’œuvre de Mohammed DIB : « La grande maison ». Elle aborde, fort à propos, les pratiques et usages des habitants de DAR SBITAR en faisant les rappels nécessaires des symboliques et représentations spatiales greffées au quotidien des pratiques des occupants et surtout de ses habitantes.

Ce numéro de MADINATI est remarquablement agrémenté par l’amicale participation de l’artiste plasticien, maitre en sa matière, Denis MARTINEZ, qui s’exprime sur son expérience de l’exil vécue par tant d’ algériens , dans la douleur et la tourmente. Situation qui le poussa à imaginer une fenêtre de communication, appelée « fenêtre du vent …»

Bonne lecture et Bonne année 2018